La justice sud-africaine a ordonné la liquidation provisoire de 54 Collective, une organisation jusqu’alors soutenue par la Mastercard Foundation, à la suite d’allégations de graves malversations financières et de ce que la fondation qualifie de « mépris flagrant de la loi ». Cette décision fait suite à une enquête portant sur la gestion d’une subvention caritative de 106,5 millions de dollars.
Une subvention détournée de son objectif caritatif
Initialement enregistrée sous le nom Africa Founders Ventures NPC (AFV), l’organisation avait reçu plus de 42 millions de dollars de la Mastercard Foundation entre 2023 et 2024. Elle devait financer des PME africaines sur une base non lucrative, avec un objectif philanthropique clair.
Mais les documents judiciaires et les enquêtes menées révèlent une confusion délibérée entre les entités à but non lucratif et des structures commerciales dirigées par les mêmes personnes, notamment Founders Factory Africa (FFA) et la marque de capital-risque Utopia. Des fonds destinés aux actions caritatives auraient ainsi été transférés vers des entités à but lucratif.
En août 2024, la situation s’est envenimée lorsque la Mastercard Foundation a découvert qu’AFV avait procédé, sans autorisation, à un rebranding de l’organisation en "54 Collective", une opération qui aurait coûté près de 700 000 dollars.
Face au manque de transparence d’AFV, la Fondation a mandaté Deloitte en décembre 2024 pour examiner les comptes. Les résultats sont accablants : plus de 4,59 millions de dollars auraient été transférés de manière injustifiée à FFA. En parallèle, près de 2 000 écritures comptables ont été ajoutées en urgence au registre entre le 5 et le 20 mars 2025, modifiant artificiellement les soldes des comptes.
AFV n’a pas été en mesure de produire ses états financiers audités pour 2023 et 2024. Le cabinet PwC, chargé des audits, a justifié les retards par une inadéquation des normes comptables et un manque de compétence au sein de l’équipe financière.
Une tentative échouée de sauver les apparences
Après la rupture du contrat par la Fondation en janvier 2025, AFV a tenté de se placer sous le régime de « business rescue », une procédure similaire au redressement judiciaire. Elle a présenté un plan prévoyant plus de 3 millions de dollars pour couvrir divers frais : salaires, fermeture de bureaux, dettes fournisseurs et honoraires du responsable du plan.
Mais le tribunal a considéré cette démarche comme un stratagème illégal visant à organiser une liquidation informelle et protéger les dirigeants. Le juge Johann Gautschi a sévèrement critiqué le Business Rescue Practitioner, Barry Urban, pour avoir tenté d’utiliser les fonds restants à des fins opérationnelles et personnelles, sans même avertir la Fondation.
Fait rare, le juge a condamné Urban à payer personnellement les frais juridiques de la Mastercard Foundation, y compris ceux de deux avocats de renom.
En gelant plus d’une douzaine de comptes bancaires (chez Nedbank, Standard Bank et Investec), le tribunal marque un tournant décisif. Un liquidateur indépendant a été nommé pour reprendre la gestion des affaires en attendant la décision finale. Une audience est prévue le 11 août 2025 pour statuer sur la liquidation définitive.
Une affaire qui ébranle la philanthropie en Afrique
Ce scandale met en lumière les risques liés à la gouvernance des fonds caritatifs, même lorsque ceux-ci sont gérés sous couvert de missions philanthropiques. La confusion entre entités à but lucratif et non lucratif, ainsi que l'opacité financière, constituent aujourd’hui des signaux d’alerte majeurs pour les bailleurs internationaux investissant sur le continent africain.
La Mastercard Foundation, dont l’engagement pour l’éducation et l’inclusion économique en Afrique est largement reconnu, espère ainsi préserver la transparence et la confiance dans un secteur de plus en plus scruté.
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